26 avril 2008

C'est pourtant pas le Pérou !


Quoique...

À l’occasion des 2° Rencontres des Aficionados célébrées en ce moment même à Saragosse, l’exposé dominical de l’aficionado péruvien Fernando Marcet sur la suerte de vara y tiendra une place de choix, notamment aux côtés du Décalogue pour une régénération de la suerte de varas initiée par le Manifeste des aficionados pour une Fiesta intègre, authentique et juste. Au début du mois, j’avais proposé une présentation et une tentative de traduction de ce Décalogue dans La suerte de varas.... Pas mécontent de ma moulinette à traduire (le genre de prototype voué à rester en l’état...), j’ai décidé de remettre ça en y jetant le texte de Marcet !

Les aficionados qui cogitent et produisent des textes de fond sur la suerte de vara sont suffisamment rares pour ne pas mentionner comme il se doit le travail de Fernando Marcet, dont vous trouverez un aperçu en cliquant sur les liens en annexe. Le propos de l’ami américain tient principalement en trois points :
1/ La pique doit être réalisée avec la seule pyramide en acier (l’actuel binôme "pyramide + corde" — cette dernière censée jouer le rôle de butoir, de frein, d'arrêt... — étant non réglementaire et dévastateur) ;
2/ La pique doit être portée dans le morrillo (partout ailleurs la pique est non seulement néfaste mais inopérante) ;
3/ Un toro doit recevoir un nombre minimum de trois piques (pour donner du sens au combat et séparer les "idiots" des braves).

En temps utile, et sans trop tarder, nous essaierons de rendre compte voire de commenter les conclusions de cette fin de semaine aragonaise et studieuse (le texte original s’y trouve). En attendant, bonne lecture à toutes et à tous.

« Exposé de Fernando Marcet # 2° Rencontres des Aficionados de Saragosse des 26 & 27 avril 2008.

Considérant que :
1/ Depuis la moitié du 18ème siècle environ jusqu’à 1917, personne ne doutait du fait que la pique devait être réalisée seulement avec l’acier dépassant du butoir (celui-ci constitué par un renflement en corde appelé "limoncillo", petit citron), partie avec laquelle on a piqué les toros pendant plus de 150 ans. Dessin 1 (cf. annexes)
2/ Dans tous les règlements taurins du monde, à toutes les époques, et ce jusqu’au nouveau règlement taurin andalou, il est admis que la pyramide en acier est le fer de la pique et que la partie en corde est le butoir. (Note CyR : le règlement andalou d'avril 2006 ne parle pas de corde mais de bois ou de plastique PVC.)
3/ Dans le règlement espagnol de 1917, la grosseur de la partie en corde (le butoir) s’est amincie et qu’une rondelle en acier a été rajoutée à sa base Dessin 2, afin d’empêcher, au cas où la partie en corde ne remplit pas son rôle de butoir, que le toro soit tué d’un coup de pique.
4/ Comme il était prévisible, le butoir en corde n’a pas fonctionné et la pique a commencé, jusqu’en 1962 et de manière antiréglementaire, à être utilisée jusqu’à la rondelle et, de 1962 à nos jours et de manière antiréglementaire, jusqu’au croisillon. Dessin 3
5/ La pique, corde incluse, est quatre fois plus grande que la seule pyramide en acier et les énormes blessures quatre fois plus importantes que ce qu’elles devraient être.
6/ Une telle anomalie a perduré dans le temps — au lieu de se corriger en voyant diminuer la taille de la pique (puya dans le texte ; note CyR : entendre "pyramide + corde") — et que chaque nouveau règlement a diminué le nombre de piques de quatre à trois et, depuis 1992, de trois à deux dans les arènes de première catégorie et jusqu’à une dans toutes les autres.
7/ Avec la réduction du nombre de piques, la suerte de vara a perdu sa raison d’être car elle ne permet plus de faire valoir les conditions, les qualités et la bravoure du toro, ni de doser le châtiment (castigo dans le texte) pour régler son port de tête et corriger les défauts de sa charge ; tout cela ne s’obtenant qu’avec trois, quatre ou davantage de piques petites et brèves.
Un minimum de trois piques est indispensable pour apprécier la bravoure de l’animal parce que : À la première pique vont tous les toros, à la seconde les braves et les idiots, à la troisième seulement les braves.
8/ La pique doit se réaliser dans le morrillo, cerviguillo ou pelota du toro, partie la plus volumineuse et saillante de l’animal, comprise entre la nuque et le garrot (la cruz dans le texte).
9/ Compte tenu de l’importance qu’a l’emplacement de la pique, les règlements taurins en vigueur en Espagne et dans n’importe quel autre pays taurin ne disent rien à ce sujet. Cependant, certains, en d’autres temps, le mentionnaient comme celui de Madrid de 1880 où l’on peut lire : « Les picadors piqueront, en respectant leur rang (en orden riguroso dans le texte), à l’endroit où l’art l’exige, c’est-à-dire dans le morrillo. »
10/ La pique en arrière, dans la croix, le "creux des côtes" (hoyo de las agujas dans le texte), au niveau du garrot (los rubios dans le texte) ou des péndolas (là où se donne l’estocade) équivaut au bajonazo de la suerte suprême car elle lèse l’épine dorsale ainsi que des organes vitaux à l’intérieur de la cavité thoracique, en particulier les poumons.
11/ La paralysie (el descordado dans le texte), le manque d’air ou bien encore la mort, sont quelques-unes des conséquences de la pique en arrière.

Vu ce qui vient d’être exposé et conformément au vote de l’Assemblée,
Il est convenu :
1/ D’exiger la fidèle application de ce qui est établi dans tous les règlements taurins du monde afin que la pique s’exécute seulement avec la pyramide en acier (fer de la pique) sans y inclure la partie en corde (butoir).
2/ D’essayer d’obtenir la modification du dessin de la pique, de façon à ce qu’elle garantisse que l’on ne puisse piquer qu’avec la pyramide en acier ; pour cela sera étudiée l’opportunité de grossir la partie en corde afin qu’elle fonctionne comme butoir, à l’instar du "limoncillo" utilisé pendant plus d’un siècle, ou de placer, entre l’acier de la pyramide et la corde, le croisillon pivotant (la cruceta giratoria dans le texte) que proposa Antonio Fernández Heredia "Hache", dont le projet est abondamment illustré, avec des dessins détaillés et des plans pour sa construction, dans son livre Doctrinal Taurino publié en 1904.
3/ Que soit rétabli le caractère obligatoire des trois piques minimum dans toutes les arènes du monde. Les toros qui ne recevront pas un minimum de trois piques seront condamnés aux banderilles noires.
4/ Que chaque pique durera le temps que dure la tentative du picador de contenir le toro avec la pique (la garrocha dans le texte) sans que ce dernier n’atteigne sa monture, après quoi les toreros à pied devront intervenir pour le quite afin d’éviter que le toro ne s’abîme contre le peto du cheval ou "se brise" en romaneo (note CyR : action de "peser", de soulever le cheval) indésirable.
5/ Que tous les règlements taurins en vigueur consignent le caractère obligatoire de la pique exécutée dans le morrillo en sanctionnant le picador qui pique en dehors, et plus sévèrement encore celui qui pique en arrière. »

Cette traduction peut et doit être bien évidemment améliorée ; vos remarques sont les bienvenues...

« Dessin 1 Pique dite "limoncillo" (petit citron), utilisée du milieu du 18ème siècle à 1917. Dessin 2 Pique avec une rondelle à la base de la corde, de 1917 à 1962. Dessin 3 Pique avec un croisillon à la base de la corde, de 1962 à nos jours. » Fernando Marcet

En plus Autres contributions de Fernando Marcet parues sur Opinión y Toros entre mai 2006 et mars 2007 : Tercio de varas (introduction), Tercio de varas II (Comment doit être réalisée la suerte de vara ?), Tercio de varas III (Où doit-être piqué le toro ?...), Tercio de varas IV, Tercio de varas V (historique), ¿Es necesario el tercio de varas? & Mi propuesta para el tercio de varas.

Image « El picador va camino de la plaza de Las Navas aunque, en realidad, podría ir a enfrentarse en un duelo al sol con Clint Eastwood en el desierto de Almería. » Manon. Photo © Julián Jaén