28 mai 2008

En attendant la suite...


... des réflexions sur la pique dans le morrillo.

Dans le deuxième texte de la série qu’il consacre à la pique dans le morrillo, Laurent soulève un point sur lequel je souhaiterais ici rapidement revenir. Dans le cadre de cette thématique générale, on peut notamment s’interroger sur la question épineuse de savoir pourquoi l’emplacement de la pique a évolué dans le temps. Il est certes tout à fait exact, à en juger par les témoignages écrits et visuels du passé, que l’assertion « tout était mieux avant » est totalement fallacieuse, et ce pour la simple raison que piquer correctement a toujours été compliqué et que les castoreños d’antan n’étaient pas tous des foudres de guerre. Il n’en demeure pas moins que l’on peut noter, toujours selon les mêmes témoignages, une évolution certaine qu’il serait tout aussi faux de nier.
Alors pourquoi ? Il y a plusieurs hypothèses valables à un phénomène que la seule place qu’occupaient alors les picadors dans le spectacle, ainsi que la suerte de varas dans son ensemble, ne sauraient à elle seule expliquer. Prétendre le contraire relèverait, au mieux, d’une vision romantique et erronée du passé.
Nous savons tous que le but principal de la manœuvre est de régler le port de tête et de diminuer la mobilité de celle-ci, ce qui est censé apporter des effets bénéfiques pour la suite de la lidia, comme Laurent l'explique très bien, et comme on peut le constater (malheureusement par la démonstration du contraire, généralement) tous les jours dans l’arène. Mais il existe une autre explication qui réside dans la recherche par les artisans du premier tiers de leur propre sécurité, pour la première rencontre mais plus encore pour les suivantes. En effet, piquer au niveau du cerviguillo permettait également de faire en sorte que le taureau charge en poussant, à l'horizontale en quelque sorte, en utilisant principalement l'arrière-train, et non de haut en bas, à la verticale, en utilisant l'avant-train, et la tête comme un levier.
Ceci s'explique par le fait que le groupe équestre de l'avant peto était beaucoup, beaucoup plus léger qu'aujourd'hui, de sorte qu'un taureau au port de tête non réglé et chargeant la cavalerie comme indiqué ci-dessus pouvait faire un carnage et renverser cheval et picador sans trop de difficultés. De nos jours, eu égard à la masse considérable de l’ennemi, ce risque est quasiment inexistant compte tenu de la force surnaturelle que la bête doit déployer pour ne serait-ce que tenter de le soulever.
Il est intéressant d'appréhender la question des rayas à la lumière de cet aspect. On comprend mieux alors pourquoi ce sont les picadors, et non le public comme on le croit trop souvent, qui ont imposé celles-ci, afin que l'on n'exige pas d'eux de s'avancer plus avant dans le ruedo. En effet, la poussée du toro étant horizontale, leur protection la plus efficace consistait alors à rester collés aux planches pour ne pas valdinguer dans les airs à la moindre rencontre avec l'animal.
Au sujet des rayas et de leurs motivations historiques, vous pouvez consulter à nouveau le post suivant : Retour sur les rayas.